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Bernard CHATEAU

23 février 1933 / 15 Août 2016

Il repose au cimetière de Bleury, Eure-et-Loir

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© 2012 - Photo Jacques Morell

Pour une séquence filmée avec la caméra qui devait précéder une Rolls-Royce, face au pare-brise, la production fit appel à Bernard Chateau, au volant de sa voiture travelling immatriculée 5507 BM 92. Un véhicule bien étrange, conçu sur le châssis d’une Cadillac très puissante. Bernard conduisait cet engin cinématographique dans une sorte de petite cabine couronnée d’un gyrophare orange. A l’arrière, une grande plate-forme surbaissée, bordée de tubes, permettait d’installer le matériel et la partie de l’équipe indispensable à ces prises de vues mobiles. Sur le toit de la cabine, comme sur le capot avant, des plates-formes, de surface plus réduite, accueillaient la caméra en hauteur. Pour les besoins de l’éclairage, Bernard avait toujours à bord, un petit groupe électrogène d’environ 4 kW. Six pots d’échappement partaient en éventail sous la voiture, pour éviter une sortie visible des gaz devant la caméra. Les essieux, formés par six petites roues, étaient triplés et associés à des suspensions hydrauliques, comme celles qui équipent certains véhicules Citroën. A partir du bastingage de tubes, assurant un garde-fou tout autour de la plate-forme, on pouvait installer toutes sortes de portiques pour y suspendre des projecteurs à l’aide de colliers. Sur le plancher arrière et sur les côtés tout autour, des anneaux permettaient de passer des sangles pour assurer les divers équipements. Sous le plateau, sur chacun des quatre côtés du véhicule, de solides points de fixation offraient toutes les possibilités d’accoupler le véhicule de Bernard a n’importe quel autre. Caméra de face, de profil, derrière la voiture, au-dessus… Pour finir cet inventaire incroyable en possibilités, une petite plate-forme pour la caméra complétait l’équipement. Elle se positionnait, en déport, de place en place, au choix, autour de la carrosserie.

Mais le plus extraordinaire était le chauffeur de cet engin bien singulier : Bernard. Sa profession se rattachait à celle de machiniste, mais on l’appelait Monsieur-Voiture-Travelling ! Avec ce véhicule, mais avec d’autres qu’il avait aussi aménagés, il répondait à toutes les demandes, même les plus extravagantes, venant des réalisateurs et des opérateurs. Sa patience entra rapidement dans la légende du métier, comme inégalable et surprenante, dans un métier où l’excitation permanente est plutôt un mode d’expression banal. Le brillant savoir-faire venait compléter la qualité de l’homme, son souci permanent de la sécurité, sa discrétion et sa gentillesse donnaient le bouquet final pour la Palme d’or du technicien le plus apprécié du cinéma et de la télévision réunis ! « Nanard, on pourrait placer la caméra là ? » et le réalisateur de montrer un axe complètement dans le vide… « Bernard, on pourra rouler à 80 à l’heure ? » et lui de répondre son éternel : « Oui, Monsieur ! ». Au service du tournage plus que tout autre technicien, venant parfois pour un seul plan, ou au contraire assurant tous les plans d’une séquence, Bernard ne se trouvait jamais pris au dépourvu. Son calme et son sourire lui faisaient encaisser les pires moments de débordements. « Plus vite Bernard, plus vite ! », ou encore « Mais qu’est-ce que tu fais ? Rapproche-toi, mais bon sang, plus près ! ». Il accrochait les voitures pour les tirer de face ou de profil, pour les pousser, ou bien sans les avoir reliées à son véhicule, il les suivait ou les précédait, tout, absolument tout lui était demandé. Parfois, sur sollicitation de la régie, des motards de la Police ou de la Gendarmerie escortaient l’étrange caravane qui pouvait atteindre les dimensions d’un convoi exceptionnel !

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Philippe, Bernard et Marie - 50 ans de la Cie Sanson Film - 2012

Bernard avait été repéré, dans sa jeunesse, lorsqu’il réparait un percolateur au studio de Boulogne, son métier n’avait pas alors de parenté avec le cinéma. Il est embauché, en 1960, chez Loca-Films pour assister Jacques Tribault, spécialiste de la Voiture Travelling à l’époque. En 1963, Jacques quitte la société et Bernard devient Monsieur Voiture Travelling. Il fera aussi beaucoup de travail pour la mécanique des "véhicules de jeu" ; rappelez-vous cette scène mémorable du film Le Corniaud, tournée le 7 décembre 1964 (la dernière dans le plan de travail* du film), place Sainte-Geneviève, à Paris, dans laquelle la 2 CV Citroën conduite par Bourvil éclate en morceaux. Comme des enfants voulant faire un tour de manège, l’équipe avait souvent tendance à vouloir monter (en trop grand nombre) sur la plate-forme de Bernard. Il savait nous faire comprendre, sans prétendre interdire, que la limite était atteinte. Une petite grimace, sa bouche en coin, suffisaient ! Lorsque le monstre prenait son élan, Bernard ne quittait pas ses rétroviseurs des yeux, en douceur il gagnait de la vitesse, sans à-coup, l’oreille toujours aux aguets, il conduisait cet étrange paquebot suivant les ordres du « capitaine » de la mise en scène. Pour préparer cet attelage, pendant que nous tournions d’autres plans, Bernard disparaissait presque entièrement sous son véhicule, les doigts littéralement rongés par la mécanique, il ajustait boulons, tiges filetées, triangles de métal, mousquetons, jusqu’à pouvoir apprécier sans inquiétude, la solidité de son travail. Des positions de caméra amenaient le cadreur à se retrouver presque dans le vide sur le véhicule lancé à vive allure, le sérieux de notre homme était alors bien apprécié !

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Bernard en 2012

Tout le cinéma français sollicitait le service de Bernard ; il a fait « rouler » tous les acteurs arrimés à sa voiture, les têtes d’affiche du monde entier, venant tourner en France. Il m’a raconté que lorsqu’il préparait les documents pour sa retraite, la personne qui traitait son dossier n’arrivait pas à comprendre cette liste interminable d’employeurs, parfois trois par jour ! Il avait un plan à faire le matin pour un téléfilm dans Paris, puis dans l’après-midi une autre production le sollicitait pour une publicité, et il terminait sa journée de travail par toute une séquence de nuit sur un long métrage ! Des centaines et des centaines d’interventions, du modeste feuilleton au plus prestigieux film, Bernard a servi le cinéma avec passion et dans la joie. Il s’est retiré en Eure-et-Loir depuis quelques années, mais sa passion pour le « matériel de la corporation », comme il dit, ne l’a pas quitté. Il est toujours à l’affût de trouver des équipements qui ont bercés sa carrière, pour compléter sa collection impressionnante de matériel cinématographique. Quel chemin professionnel admirable sur lequel il a laissé à tous, le souvenir d’un technicien totalement impliqué et tellement humain.

Extraits de "Mes Années Lumière"  © Philippe Sanson 2016

 

La Caméra-Car de Lumex pilotée par Bernard

Bernard au volant de sa Cadillac-Travelling sur Médecins de Nuit - 3e série - 1980

Bernard penché à la portière (Médecins de nuit - 1980)

Mimile devant la Cadillac de Bernard - Allegra - 1978

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Philippe (et Denis Carquin) devant la Cadillac de Bernard - Allegra - 1978

 

• Témoignages et hommages sur le site de l'AFC •

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Dominique Arrieu, Claudine Grellier, Bernard Chateau, Jean-Pierre Plichon

25 février 2012 - Épône - 50e anniversaire de la Compagnie Sanson Film

© Jacques Morell

 

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Hommage à Bernard pour ses 79 ans
50e anniversaire de la Compagnie Sanson Film

25 février 2012 - © Aglaé De Mourgues

 

Un hommage a été rendu à M. Voiture Travelling du Cinéma français

 

BERNARD CHATEAU

 

23 février 1933 / 15 août 2016

 

 Samedi 10 juin 2017 à 10h30 à BLEURY (28)

 

L'Espace Bernard Chateau a été inauguré
en présence de Josiane Chateau

 

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